jeudi 16 septembre 2010

Le riz

"Manasa hihinam-bary!" Le malgache ne vous invite pas à "déjeuner", mais à venir partager son riz. Une nuance de taille car elle traduit la place de cette denrée non seulement dans les habitudes alimentaires, mais dans la civilisation malgache elle-même.

Le riz commence son cycle de culture dans de petits carrés appelés "tanin-ketsa" où l'on sème le paddy. Dans les plaines, les parcelles sont entourées de diguettes en terre pour maintenir l'eau à un niveau constant. En pays Betsileo par contre, on reste confondu devant le spectacle pharaonique des rizières en gradins investissant le flanc des collines les plus escarpées, plantées en courbes épousant la configuration du terrain.

Ce sont les zébus qui, excités par les enfants, piétinent la boue et la ramollissent. La rizière est alors prête à recevoir les jeunes plants de riz. Cette étape d'ensemencement est appelée revorevo par les malgaches. Le travail est dur, et minutieusement réparti entre les hommes, les femmes, et les zébus.

Puis vient le moment du repiquage, travail exclusivement féminin qui mobilise une importante main d'oeuvre. Le choix du jour est fixé par les oracles, après consultation des astres et une prière permet de souhaiter et d'espérer une récolte abondante, protégée des cyclones et autres intempéries qui ravagent Madagascar de temps à autre.

La récolte se fait à l'aide d'une petite faucille. Les gerbes sont vigoureusement frappées sur une surface dure pour dégager le paddy (riz non décortiqué) lequel, une fois séché sur de longues nattes en raphia, sera confié aux mortiers et aux pilons des femmes. Selon le temps accordé au pilonnage, le grain sera, soit d'un beau blanc, soit rose car il garde encore sa dernière enveloppe. Ce riz là est apprécié pour son arrière goût de noisette, et il est de plus en plus recherché par les connaisseurs.

Le riz ne trône pas seulement sur les tables, mais aussi dans les proverbes et autres expressions populaires. "Décortiquer le riz au clair de lune, c'est troubler le sommeil des poules", "l'amour est comme le riz: transplanté, il repousse ailleurs", "faites comme les épis de riz: se tenir droit est bien, savoir s'incliner est mieux", et nous en passons. Comment clore notre histoire de riz autrement que par notre invite initiale: Manasa hihinam-bary!

Le "vary" marque de son empreinte le quotidien. Avec le travail, les fêtes, les repas, il rythme chaque jour. Le riz représente 70% des calories quotidiennes, chaque malgache mange du riz trois fois par jour, au petit déjeuner en potage avec des légumes verts sauvages, au déjeuner accommodé avec poivre et piment chili et au souper mélangé à du poulet cuit en ragoût, ou des œufs frits, des pois, lentilles ou feuilles pillées de manioc revenues dans l'huile. Tout en les mangeant, il boit du rano-pangu qui est une eau bouillie dans laquelle infuse de la balle de riz grillée. Le riz qui est leur récolte principale a des liens profonds avec la religion et les rituels traditionnels des sociétés villageoises.A Madagascar, toutes les variétés de riz sont vendues le même prix au marché sauf le riz rouge, le vary mena qui est beaucoup plus nutritif. Chaque paysan réserve un champ pour la culture du riz rouge pour son usage familial mais les meilleurs vary mena sont réservés aux personnes âgées et aux malades pour sa propriété reconstituante.


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